La protection du Site du Bois de Serres,
Professeur Gérard DEMARCQ
L'ancienneté de la volonté de protection :
Le secteur du Bois de Serres a montré depuis les dernières décennies un vif intérêt à beaucoup de personnes avec des motivations diverses. La raison fondamentale en est la qualité naturelle des lieux qu'il importe de ne pas altérer. Il est resté pratiquement en l'état et fournit en tant que tel un havre de paix, heureux complément avec, par exemple, le parc de La Croix Laval. Que ce soit par des habitants de la commune ou de celles voisines, ce sont des particuliers, des groupes informels, des associations ou des élus qui en sont les adeptes. Il a donné lieu à des activités, des observations et des écrits et, tout simplement, des marques et des preuves de sa valeur. Beaucoup de satisfactions donc, mais aussi beaucoup d'occupations, de préoccupations et de travail.
Il n'est pas possible de faire état ici de tous ces aspects; nous n'en citerons que les principaux, en invitant les amis du bois de Serres à suivre eux-mêmes les pistes que leur offrent la nature et la documentation. Elles sont variées et passionnantes.
Le dossier d'argumentaire
Sous l'impulsion du professeur G. Demarcq, le premier gros travail a été l'établissement du dossier d'argumentaire pour l'inscription de ce secteur à l'Inventaire Supplémentaire des Sites. Il avait été présenté et agréé pour Ecully le 5 novembre 1976 par la Commission Départementale des Sites du Rhône, puis homologué dès 1977 à l'échelon national par le Ministère de l'Environnement de l'époque. Il avait demandé, avec l'aide de quelques spécialistes, plusieurs années de travail afin d'analyser tous les aspects de sa mise en valeur : géologie, géographie, hydrologie, biologie, écologie, histoire, sociologie. Les chapitres les plus importants ont été ceux concernant la flore et la faune. Pour cette dernière tous les groupes avaient été présentés: invertébrés, amphibiens, reptiles oiseaux, mammifères, en leurs différents biotopes. Le tout forme un équilibre que la moindre altération, même bordière, mettrait en péril, surtout si elle était d'occupation humaine. A l'époque, c'était une première car jusque-là l'inscription d'un site à l'échelle nationale concernait un parc, un domaine ou un bâtiment avec son entourage. Mais il ne pouvait pas s'agir dans notre cas de prétendre à un "classement" au titre des monuments historiques, beaucoup plus contraignant et difficile, même avec la présence du château de Fontville. Notre choix était vraiment motivé par des critères de protection de la nature. A noter que les terrains situés sur Dardilly et Charbonnières compléteront plus tard la délimitation du site inscrit à l'Inventaire.
Les artisans de la réussite depuis les années 60
D'après les publications du Groupe d'Histoire d'Ecully (livrets, plaquettes, plans), on apprendra bien des choses sur le site de Serres, sous la plume de M. Charles Jocteur et de ses compagnons. Par exemple que le bois de Serres est découpé cadastralement en étroites bandes parallèles, résultat de nombreuses subdivisions de parcelles dûes à la coupe des bois. Les familles répartissaient ainsi leur patrimoine. Les pères lazaristes de Fontville aussi, par suites de ventes opportunes. Le duc d'Epernon, à la fin du XVIème siècle, y fit une chute de cheval en voulant rejoindre la cour du roi Henri II alors en séjour à Lyon; le monarque vint sur place à Fontville porter assistance à son favori: d'où le lieu-dit "le saut d'Epernon". Il faut citer aussi la borne de l'An VIII (=1800) visible en bordure du chemin; elle servait à marquer la limite entre Ecully et Dardilly lors de l'établissement du premier cadastre.
Une des plus anciennes associations locales, la Société de Pêche du NW lyonnais, a toujours pris soin de l'entretien des ruisseaux et de la vie aquatique. On doit beaucoup à M. Louis Loison, ancien président et délégué municipal à l'environnement. Ses amis et ses successeurs lui gardent une fidèle mémoire. Il n'y a pas eu seulement les lâchers de truites, il y a eu des travaux bénévoles pour maintenir et améliorer les lieux. Ainsi il fallait surveiller l'état des berges, la pose d'enrochements pour protéger le chemin bordier des débordements du ruisseau. Pour en régulariser le cours, la société de pêche a installé de petits barrages avec de grosses traverses de bois récupérés de lignes de voies ferrées. Il fallait aussi lutter contre les pollutions provenant de villas du versant de Charbonnières, maintenant raccordées à l'égout. La pose d'un grand collecteur en 1981 au milieu du thalweg a résolu également les nuisances de tout le secteur amont.
L'association des jeunes pour la nature (ex Panda-club) a réalisé pendant ces années-là bien des sorties dans le but d'observer la faune et la flore et d'inventorier les différentes espèces au sein des divers biotopes. Ces données ont servi dès l'établissement du dossier d'argumentaire d'inscription du site et, par la suite, d'assurer le suivi de l'équilibre écologique. Cela a permis de contribuer à donner corps à la constitution de l'actuel syndicat intercommunal (voir détails plus loin).
Beaucoup d'adeptes de la marche ou de la course, jeunes et moins jeunes, ont profité et profitent encore des chemins et des sentiers du bois de Serres pour s'adonner à leur sport favori, seuls, en couples ou en familles. Dès les années 60, M. Jean Chaffange avait constitué une association informelle de promeneurs pour aller à la découverte des curiosités du secteur; elle n'a cessé qu'à sa mort brutale et personne ne l'a remplacé... Mais par ailleurs le Docteur Astruc a entraîné régulièrement pendant de nombreuses années des groupes d'élèves des écoles d'Ecully, de manière organisée. Un parcours sportif a ensuite été mis en place par la commission municipale d'Ecully vers 1981 mais il a fallu plusieurs fois le remettre en état. Ne parlons pas vraiment de vandalisme, mais presque... Il en a été de même pour les amateurs de VTT; leurs passages ont commis bien des dégradations sur les sols en pente, les talus et entre les arbres; et cela a été long à faire cesser, jusqu'à la création du Syndicat Intercommunal.
Les étapes chaotiques de la "décharge du Bois de Serres".
Parmi les avatars qui ont marqué l'histoire de la décharge communale en lisière intérieure du site de Serres, il y a beaucoup à dire. Elle était située en bordure Ouest de la route de Dardilly, C.D. 77, actuellement avenue Guy de Collongue. Elle avait été ouverte au public au milieu du siècle dernier et l'on y accédait par un chemin en légère pente. Elle fermait par un portail sous la responsabilité du garde municipal. Les Ecullois pouvaient y déverser leurs gravats, cailloux, surplus de terre de jardin et débris divers, mais aussi dans la pratique des matériaux d'origine domestique de toute nature. Théoriquement les "ordures ménagères" y étaient interdites de même que les "encombrants".
En réalité la poussée de l'urbanisme dès 1960 faisait y accumuler des déchets de chantier, y compris des bidons, des pots de peinture, des récipients métalliques ou en verre etc (voir nota en bas de page), provenant d'Ecully et des environs. Les contrôles ne suffisaient plus. Les déversements sauvages se faisaient même directement depuis la route, à travers la haie. Une clôture grillagée fut installée tout au long. Elle fut vite éventrée et écrasée. Des mesures sévères furent alors prises au niveau communal et préfectoral. La décharge fut fermée officiellement, sauf pour les débris végétaux sous surveillance stricte. La gendarmerie verbalisa les contrevenants, d'autant que la route CD 77 forme un virage dangereux. Puis sa fermeture complète eut lieu vers 1990. La surface fut nivelée et couverte par des apports de terres variées, d'où un haut talus à l'Est dominant le chemin de Serres.
Actuellement la nature a repris le dessus. Son sous-sol est hétérogène, avec des composants vraiment particuliers. Il n'a aucun équilibre physico-chimique ni mécanique naturel, ainsi qu'on vient de le voir. Un sol, lui-même hétérogène, s'est progressivement constitué à partir des apports précédents. Des végétaux herbacés, des arbustes et de jeunes arbres ont eu le mérite d'y pousser en désordre. C'est une sorte de "cicatrisation", qui profite maintenant au biotope restitué de cette partie du Bois de Serres. Ce terrain est un de ceux où est envisagé l'installation d'une aire d'accueil pour les gens du voyage sur Ecully.
Le Syndicat Intercommunal des Vallons de Serres et des Planches
C'est l'aboutissement historique en 1994 de toute l'évolution précédente, commencée dans la pratique une vingtaine d'années plus tôt. Il concerne une grande surface (environ 140 hectares) sur les communes de Charbonnières, Dardilly et Ecully, dépassant ainsi de beaucoup celle du site d'inscription à l'inventaire de 1977, et incluant bien sûr le Bois de Serres. Composé de représentants des trois communes, le président actuel de ce syndicat est M. Yann Viremounex, Maire-Adjoint de Dardilly, auprès duquel on trouvera toute la documentation.
La préparation du dossier demanda plusieurs années. Il est beaucoup plus complet que celui de 1977, grâce à un travail d'équipe auquel participèrent des spécialistes de haut niveau sous l'égide du Responsable-Nature de la COURLY. Citons parmi d'autres: le COSILYO (Comité des sites du Lyonnais), la FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature), le CORA (Centre Ornithologique Rhône-Alpes), des zoologistes et botanistes du CNRS, de l'Université LYON I etc... ainsi bien sûr que des élus représentants des trois communes, connaisseurs de leur patrimoine naturel... Ces dossiers contiennent toutes les données sur la richesse des bois et des vallons de Serres et des Planches. Grâce à eux, nous pourrons donner plus loin un résumé exhaustif de la flore et de la faune du Bois de Serres.
Professeur Gérard DEMARCQ
Nota de l'Association « Les amis du Bois de Serres » : une simple visite de la périphérie de la décharge permet de découvrir pneus, goudron, carcasses de voiture, batteries...
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